Loi Avia : Quels impacts pour Gandi ?
La loi contre les contenus haineux sur Internet (dite « loi Avia ») a été adoptée en lecture définitive par l’Assemblée nationale le 13 mai 2020. Gandi précise les principaux changements apportés par cette loi et clarifie ses répercussions sur le traitement des cas d’Abuse qui lui seraient notifiés.
Une définition de plateforme inchangée, non applicable à Gandi
La loi Avia impose aux plateformes mais aussi aux moteurs de recherche, aux blogs et aux forums deux obligations principales :
- de retirer sous 24 heures les contenus haineux « contrevenant manifestement » à une série d’infractions listées par la loi,
- de retirer en 1 heure les contenus relevant du terrorisme ou de la pédopornographie.
Avant toute chose, il est donc important de qualifier précisément ce qu’est une plateforme.
Est qualifiée d’opérateur de plateforme en ligne toute personne physique ou morale proposant à titre professionnel, que l’offre soit gratuite ou non, un site web reposant sur la mise en ligne et le classement de contenu, de biens ou de services, proposés ou mis en ligne par des tiers ou la mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un contenu, d’un bien ou d’un service (Article L111-7 du Code de la consommation).
En tant que fournisseur de services via le site https://www.gandi.net/, Gandi ne peut être qualifiée de plateforme au sens du code de la consommation.
Les cas d’Abuse qui nous sont notifiés concernent des sites internet dont le nom de domaine est enregistré et/ou dont le contenu est hébergé chez Gandi.
Exerçant historiquement une activité de bureau d’enregistrement de noms de domaine, Gandi fournit depuis 2008 une solution technique d’hébergement à partir de laquelle les clients peuvent aussi bien construire une plateforme de vidéos en ligne qu’un espace de discussion autour de la cuisine, ou un forum de guilde.
A ce titre :
- Gandi peut être qualifiée d’hébergeur tel que défini dans la loi pour la confiance dans l’économie numérique (Loi n°2004-575 du 21 juin 2004) plus connue par le grand public sous l’acronyme ‘LCEN’. Nous ne produisons pas le contenu de ces sites, nous mettons à disposition uniquement le cadre technique nécessaire au projet quel qu’il soit.
- Nos clients ayant souscrit des services d’hébergement peuvent être qualifiés de plateformes et être soumis aux obligations de la loi Avia.
En d’autres termes, Gandi ne peut être tenue responsable des contenus publiés sur ces sites internet, dont la seule responsabilité repose sur l’éditeur du site internet.
Des obligations qui confortent la politique de Gandi sur le traitement des cas d’Abuse
Comme expliqué ci-dessus, Gandi étant un hébergeur, et non une plateforme, la seule modification de la loi Avia qui s’impose est la suspension sous une heure de certains types de contenus, quelque soit le média utilisé (images, vidéos, etc.), à savoir :
- la pédopornographie,
- l’apologie du terrorisme,
- la provocation au terrorisme.
Toutefois, ce délai d’une heure s’impose uniquement pour les demandes en provenance d’autorités. Les autres demandes restent soumises au régime classique de la LCEN imposant d’agir « promptement ».
Cette nouvelle réglementation n’altère donc en rien la politique de traitement des cas d’Abuse menée jusqu’alors : depuis toujours Gandi adopte la plus grande réactivité sur les contenus visés par cette loi et coopère étroitement avec les autorités à réception de plaintes.
Un service n’est jamais suspendu sur une simple déclaration. Nos services habilités à vérifier ces contenus le font systématiquement avant de prendre la décision de suspendre un service.
Notre politique en la matière est basée sur la proportionnalité de la réponse : une image notifiée sur un site de partage d’image n’entraînera pas immédiatement ou systématiquement la suspension du serveur hébergeant le site en question.
Nous vous rappelons qu’un formulaire en ligne vous permet de nous signaler tout contenu abusif : https://help.gandi.net/fr/abuse
Parole d’expert– Me Oriana Labruyère
Cette proposition de loi fait l’objet de nombreuses critiques, provenant tant d’associations telles que la Quadrature du Net, que d’acteurs institutionnels comme le Conseil national du numérique ou encore de la Commission européenne.
En cause, l’atteinte qu’elle poserait aux principes, protégés au niveau de l’Union européenne, que sont la liberté d’expression et la responsabilité aménagée des hébergeurs.
En effet, le texte confie la prise de décision à des acteurs privés (les hébergeurs et les plateformes) tout en ne laissant pas suffisamment de place à la nuance, la décision devant être prise très rapidement. La proposition suscite ainsi des craintes quant à la mise en œuvre d’une modération excessive des contenus, impactant selon ses détracteurs la liberté d’expression.
Par ailleurs, la proposition suscite des doutes quant à son articulation avec la proposition de règlement européen relatif à la prévention de contenus à caractère terroriste en ligne actuellement en cours d’étude. Ce règlement, qui traite lui aussi du retrait par les acteurs du numérique des contenus terroristes, sera appelé à s’appliquer de manière uniforme dans toute l’Union européenne et pourra retenir un délai différent de celui de la loi Avia.
Si l’Assemblée nationale a adopté la proposition de loi, celle-ci fait actuellement l’objet d’un examen par le Conseil constitutionnel. Compte tenu des nombreuses réserves qu’il évoque, il n’est pas certain que ce texte ressorte de cet examen intact. La date d’entrée en vigueur du texte, prévue au 1er juillet, semble difficile à maintenir.
Affaire à suivre donc …
Mise à jour du 23 juin 2020
Comme nous l’évoquions, les réserves émises se sont confirmées. Le Conseil constitutionnel a censuré plusieurs dispositions de la proposition de loi sur la haine en ligne qui contrevenaient notamment à la Constitution.
Un principe, pourtant, revient : la liberté d’expression et de communication.
L’exercice de cette liberté est, pour le Conseil constitutionnel, « une condition de la démocratie et l’une des garanties du respect des autres droits et libertés ». Dès lors, toute atteinte à cette liberté doit être nécessaire, adaptée et proportionnée.
L’obligation faite aux éditeurs et hébergeurs de retirer en 1 heure les contenus terroristes ou pédopornographiques n’était pas compatible avec la protection de la liberté d’expression et de communication. En effet, la brièveté de ce délai rendait difficile la vérification du bien-fondé de la demande de retrait avant de retirer le contenu visé. Or, la loi prévoyait une sanction dissuasive d’une peine d’emprisonnement d’un an et de 250 000€ euros lorsque ce délai n’était respecté. Ainsi, l’analyse de risques mènerait naturellement les opérateurs au retrait systématique des contenus signalés par l’administration pour éviter toute sanction.
Concernant la disposition phare du projet de loi, à savoir l’obligation de retrait sous 24 heures des contenus haineux « contrevenant manifestement » à une longue série d’infractions listées par la loi, le constat est identique.
La complexité de l’analyse requise pour déterminer l’opportunité du retrait des contenus visés, conjuguée au court délai, à une responsabilité dès le premier contenu non retiré et à l’absence de cause spécifique d’exonération de responsabilité ne peuvent mener les opérateurs qu’à une conclusion : les contenus signalés doivent être supprimés, qu’ils soient ou non manifestement illicites.
Le Conseil constitutionnel entend les intentions de la loi : faire cesser des abus de l’exercice de la liberté d’expression qui portent atteinte à l’ordre public et aux droits des tiers. Mais il pose des limites. Pour ce gardien des libertés publiques, le volet répressif de la proposition de loi Avia n’atteint pas cet objectif de manière proportionnée. Les principes de liberté d’expression et de responsabilité aménagée des hébergeurs, tels que nous les connaissons actuellement, sont donc maintenus.
Que reste-t-il donc de ce texte ? De nombreuses dispositions liées aux obligations de retrait ont, elles aussi, été annulées. Seuls restent donc des bribes du texte, qui n’emporteront pas le changement espéré par ses auteurs.
Vidé de sa substance, le futur de la proposition semble, plus que jamais, incertain.
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