L’e-mail est-il mort ?
L’idée d’échanger des messages asynchrones par voie électronique de manière similaire à l’envoi de lettres par la poste – le concept de base que nous appelons aujourd’hui courrier électronique – existe depuis l’invention du télégraphe électrique au XIXe siècle. Plus précisément, le concept d’envoi et de réception de tels messages sur un réseau d’ordinateurs remonte au début des années 1960, et les premiers protocoles de courrier électronique permettant d’échanger des messages sur Internet (ou son précurseur, l’Arpanet) sont apparus peu de temps après.
Les protocoles spécifiques utilisés aujourd’hui pour le courrier électronique ont près de 30 ans, ce qui n’est peut-être pas si long à l’échelle de l’histoire de l’humanité, mais à celle de l’histoire de l’informatique et de l’Internet, cela renvoie le courrier électronique pratiquement à l’âge de pierre.
Aujourd’hui, les réseaux sociaux et les systèmes de messagerie instantanée tels que la plateforme privée Slack, (qui, pour la première fois, a été préférée à l’e-mail par les personnes interrogées (lien en anglais) et le protocole de communication Matrix à code source ouvert (en conjonction avec des clients gratuits à code source ouvert comme Element) exploitent les derniers développements pour offrir aux entreprises une plus grande flexibilité et davantage de fonctionnalités que l’e-mail. Sans parler des diverses plateformes issues de réseaux sociaux qui disposent de leurs propres services de messagerie intégrés, directs et privés.
L’e-mail est-il donc à bout de souffle ? Ces nouveaux services sont-ils sur le point de mettre un terme à cette méthode de communication en déclin ? C’est ce que nous allons voir.
Qu’est-ce que l’e-mail ?
Commençons par jeter un coup d’œil à ce qu’est réellement l’e-mail. D’un point de vue technique, il y a deux aspects à considérer : le message lui-même, et les protocoles utilisés pour l’envoyer.
Qu’est-ce qu’un e-mail ?
Un message envoyé et reçu sur l’Internet par des serveurs de messagerie dans le format spécifique associé au courrier électronique est appelé, sans surprise, un courriel.
Le courriel est composé de 2 parties : l’en-tête et le corps du texte.
En-tête
L’en-tête d’un e-mail contient des informations sur l’e-mail. Si vous avez déjà envoyé un e-mail, certaines d’entre elles vous seront familières – comme le « À : », l’ « Objet : », les destinataires en copie « Cc » – mais cela inclut également des informations sur un e-mail auxquels vous n’auriez pas pensé, comme un numéro d’identification spécifique au message, et des informations ajoutées à l’e-mail indiquant quand il est reçu par des serveurs spécifiques sur son chemin d’acheminement.
Corps
Le corps est, bien sûr, le contenu réel du message. À l’origine, le corps d’un e-mail était envoyé en texte brut ASCII, c’est-à-dire sans accents, sans mise en forme (pas même en gras et en italique), et surtout sans images ni liens (sauf ceux que vous copiez et collez dans un navigateur).
Désormais, les e-mails peuvent être envoyés en HTML, c’est-à-dire en utilisant le même type de code de formatage que les pages Web. Cela permet aux e-mails d’inclure non seulement des caractères en dehors des caractères ASCII de base, mais également des couleurs, des polices, des images, des liens, des boutons, des colonnes, etc. Tout cela grâce à MIME : le format de données standard Internet qui utilise des caractères ASCII pour encoder le HTML afin que les e-mails puissent être aussi dynamiques, attrayants et interactifs qu’une page Web de base.
Comment sont envoyés les e-mails ?
L’autre chose à laquelle « courrier électronique » fait référence est la manière dont les e-mails sont envoyés. Le courriel est envoyé par un ensemble d' »agents » qui sont chacun responsables d’une partie du processus d’envoi du courriel. Tout commence par un « client de messagerie ». Un client de messagerie est simplement un programme informatique que vous utilisez pour envoyer et recevoir des e-mails. Parmi les exemples les plus courants, on trouve Outlook, Gmail, Thunderbird et Apple Mail.
Lorsque vous envoyez un e-mail à partir de votre client de messagerie, il est ensuite envoyé au serveur de messagerie que vous avez configuré pour que votre client de messagerie puisse envoyer des e-mails. Par exemple, si vous utilisez Gandimail, il s’agira des serveurs d’e-mails sortant de Gandi.
Il peut y avoir quelques autres arrêts en cours de route (appelés relais), mais finalement, l’e-mail passe par un composant logiciel chargé de délivrer le message au client de messagerie de la personne que vous avez indiquée dans l’en-tête « À : ».
Comme pour tout ce qui est lié à l’internet, l’envoi et la réception d’e-mails dépendent d’un ensemble de protocoles normalisés que les ordinateurs utilisent pour communiquer entre eux. Dans le cas du courrier électronique, ces protocoles sont POP, SMTP et IMAP. POP et IMAP sont des protocoles permettant à un client de messagerie de se connecter à une boîte mail et de télécharger des messages, tandis que SMTP sert, lui, à envoyer des e-mails.
Est-ce que des personnes utilisent encore l’e-mail ?
Oui !
Peut-être avez-vous l’impression d’être le seul à utiliser l’e-mail aujourd’hui, mais ce n’est pas vrai !
Selon Radicati, qui publie un rapport annuel de statistiques sur les e-mails, 319,6 milliards d’e-mails ont été envoyés dans le monde en 2021 (lien en anglais). Cela représente une croissance de 4,3 % par rapport à 2020. De même, le rapport indique que le nombre d’utilisateurs de messageries électroniques dans le monde augmente de 3 % par an, pour atteindre 4,1 milliards d’utilisateurs en 2021. C’est plus de la moitié de la population mondiale !
Un autre signe que l’e-mail est toujours bien vivant est la façon dont il s’adapte à notre époque.
Selon The Inbox Report en 2018, 75 % des utilisateurs d’e-mails aux États-Unis consultent leurs courriels principalement depuis leurs smartphones (lien en anglais) contre 29 % depuis un ordinateur de bureau ou un ordinateur portable. Et c’est la jeune génération qui domine cette tendance, avec plus de 81 % des 18-24 ans aux États-Unis qui consultent leurs e-mails sur leur téléphone.
Une autre preuve que l’e-mail évolue avec son temps est la généralisation de son utilisation à des fins autres que la simple communication personnelle. En effet, 83 % des consommateurs préfèrent que les entreprises les contactent par courrier électronique (lien en anglais). Cette approche permet aux internautes de garder le contrôle sur leurs données personnelles grâce à l’opt-in et l’encadrement strict par le RGPD depuis mai 2018 et l’e-mail est également une forme de communication préférée pour les entreprises.
Pourquoi le courrier électronique existe-t-il toujours ?
Alors pourquoi une technologie qui date d’aussi longtemps ne fait pas que survivre, mais occupe véritablement une place centrale dans l’Internet moderne ? Surtout quand il existe maintenant autant d’options de communication.
Eh bien, il y a quelques raisons clés.
Les adresses e-mail sont faciles à communiquer
Le format d’une adresse électronique n’est pas seulement connu de tous, mais fait véritablement partie de la langue anglaise. Tout le monde connaît le format : [nom]-arobase-[nom de domaine]-point-[tld]. Non seulement ce format est facile à analyser, mais il est également facile à inscrire sur les cartes de visite, les CV et autres documents.
Lorsque vous entendez une adresse e-mail, il est facile de s’en souvenir ou de l’écrire. Il est donc facile de donner son adresse e-mail au téléphone, dans un SMS ou sur un formulaire d’inscription en ligne. L’omniprésence de l’e-mail signifie également que tout le monde est habitué à l’utiliser et qu’il n’y a donc aucune ambiguïté sur la manière de vous contacter avec une adresse e-mail si vous la donnez à quelqu’un.
Si cette même convenance existe pour certains réseaux sociaux, il est moins facile de communiquer la manière exacte de joindre quelqu’un dans d’autres types de communication. En termes de facilité de communication et de mémorisation, il est difficile de faire mieux que l’adresse e-mail.
Vous pouvez choisir quelle application utiliser pour votre courrier électronique
Une autre raison pour laquelle l’e-mail reste roi est la possibilité de choisir librement d’utiliser une application plutôt qu’une autre. Pour utiliser Slack, vous avez besoin de l’application Slack. Pour utiliser WhatsApp, vous avez besoin de WhatsApp. Pour envoyer un message sur Facebook, vous devez avoir un compte Facebook (avec toutes les collectes de données personnelles que cela implique).
Ce n’est pas le cas de l’e-mail.
Vous pouvez vous utiliser une large palette d’applications pour accéder à votre boîte mail, et même obtenir votre courrier électronique auprès d’un grand nombre de fournisseurs. Vous n’êtes pas lié(e) à une application ou à une plateforme spécifique pour communiquer, et la personne avec laquelle vous communiquez n’a pas besoin d’avoir la même application ou plateforme que vous pour recevoir votre message.
Vous pouvez utiliser une application de bureau comme Thunderbird, Outlook ou Apple Mail (entre autres) ; vous pouvez également utiliser des versions mobiles de ces apps et d’autres ; ou vous pouvez simplement utiliser une interface webmail sur votre bureau ou votre téléphone pour lire vos e-mails.
L’e-mail ne sert pas qu’à envoyer des messages
Une autre chose qui contribue à la longévité de l’e-mail est qu’il n’est pas seulement utilisé pour envoyer des messages, mais est également utilisé à d’autres fins.
Planification
Un excellent exemple est l’utilisation du courrier électronique à des fins de planification. De nombreuses applications de messagerie intègrent désormais des calendriers, et avec des invitations à des événements ou en entreprise des invitations à des réunions et à des visioconférences, envoyées simplement sous forme de pièces-jointes aux e-mails.
Transferts de fichiers
Le courrier électronique est également utilisé comme moyen pratique de transférer des fichiers. L’utilisation courante des pièces jointes aux e-mails permet d’envoyer et de recevoir facilement de petits fichiers, en particulier des documents. Les listes de contacts par e-mail facilitent ce partage de fichiers, car le même identifiant que vous utilisez pour contacter quelqu’un d’autre est également utilisé comme identifiant de la destination finale du fichier.
Bien sûr, tout fichier que vous envoyez par e-mail n’est pas non plus sécurisé (sauf si vous utilisez PGP) et pourrait éventuellement être intercepté.
Connexions au compte
Et en parlant d’identifiant commun, l’un des plus grands atouts de la durabilité de l’e-mail est son utilisation à travers l’Internet pour les connexions de comptes sur d’autres sites web. L’adresse électronique est devenue le nom d’utilisateur de référence pour de nombreux systèmes d’authentification de sites web, unissant un identifiant facile à mémoriser à un moyen de contacter le propriétaire du compte en cas de réinitialisation du mot de passe.
Ce n’est pas négligeable, car même les nouveaux services de messagerie comme Slack s’appuient sur la connexion via un compte de messagerie électronique pour la création de comptes. Ainsi, même si Slack peut remplacer en partie l’utilisation du courrier électronique, il ne peut pas remplacer complètement un moyen de communication sur lequel il repose partiellement pour fournir le sien.
Le courrier électronique fournit beaucoup de données
Enfin, l’e-mail est toujours là en raison de la quantité de données qu’il peut apporter. Les newsletters, les promotions, etc. sont toujours envoyés par e-mail, en particulier si l’objectif est la meilleure connaissance de sa base de destinataires, en raison des outils et de la capacité qui existent pour collecter des informations sur le nombre de ces e-mails reçus ou rejetés, le nombre d’entre eux qui sont ouverts, le nombre de liens cliqués dans un e-mail donné et lesquels l’ont été, ainsi que le nombre de personnes qui se sont désabonnées après l’envoi d’un e-mail précis.
Cela permet aux spécialistes du marketing e-mail d’entretenir une relation plus personnalisée avec leurs clients et de créer des schémas détaillés du parcours des clients d’une manière inégalée par n’importe quel autre moyen de communication jusqu’à présent.
Selon votre point de vue, ce n’est pas nécessairement une bonne chose en termes de confidentialité des données, mais c’est certainement l’une des raisons pour lesquelles l’e-mail a pu rester le principal moyen pour les entreprises d’atteindre leurs clients.
Qu’en est-il des spams, des virus et des logiciels malveillants ?
Il y a, bien sûr, un revers de la médaille à l’e-mail. Nous avons déjà mentionné les problèmes de confidentialité des données soulevés par certains types de tracking des e-mails et le fait que les e-mails non chiffrés (la majorité de tous les e-mails) peuvent être vus par d’autres personnes.
L’autre partie immergée de l’iceberg est l’existence de pratiques abusives comme le spam et l’envoi de virus ou de logiciels malveillants par e-mail.
En 2022, selon certaines sources, près de 85 % de tous les e-mails seraient considérés comme des spams (lien en anglais), ce qui coûterait aux entreprises environ 20,5 milliards de dollars par an.
Il s’agit d’un problème grave, en particulier lorsqu’il ne s’agit pas seulement de spam, mais aussi d’escroqueries, tels que des demandes d’argent de la part de princes nigérians, des menaces d’extorsion et du phishing, qui consiste en de faux courriels provenant prétendument de sources fiables et demandant des informations de connexion ou de transaction.
La lutte contre le spam est importante et se déroule dans les coulisses de l’Internet quotidien. Heureusement, la technologie de filtrage met aujourd’hui la plupart des utilisateurs à l’abri de la majorité des spams, des escroqueries et des logiciels malveillants.
En outre, l’existence de ces menaces est la preuve même que le courrier électronique est un moyen de communication populaire. D’autres médias, comme les médias sociaux, ne sont pas non plus à l’abri de ces menaces, et des plateformes comme Slack les évitent grâce à une approche de type « jardin fermé » qui limite l’inter-accessibilité des utilisateurs entre les organisations.
Conclusion
Pour résumer, l’e-mail est loin d’être mort. Il est bien vivant, en dépit des sondages sur l’e-mail vs Slack que l’on aperçoit souvent sur la toile.
Non seulement l’e-mail est un protocole internet de base, mais c’est un concept qui remonte à plus d’un siècle, au tout début d’internet.
Cela ne signifie pas pour autant que l’e-mail est exempt de problèmes. Les spams, les escroqueries, le phishing et les logiciels malveillants restent une préoccupation majeure pour tout utilisateur de courrier électronique.
Le fait que l’e-mail ne disparaisse pas ne signifie pas que son utilisation ne change pas. Les 83 % d’utilisateurs qui préfèrent que les entreprises les contactent par e-mail et le fait que celui-ci soit largement utilisé pour la connexion aux comptes indiquent tous deux un changement d’attitude à l’égard de l’e-mail. L’e-mail reste la plateforme de communication universelle, mais surtout, il est désormais le moyen de communication essentiel entre les sites web et leurs utilisateurs et surtout entre les entreprises et leurs clients.
Loin d’être mort, l’e-mail n’a jamais été aussi vivant.
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